«Même mes collègues en ont marre des raclures, des nuisibles, des jeunes d’origine étrangère dans les quartiers populaires […] qui font chier et qui ne sont jamais sanctionnés». Ce ne sont pas les mots d’un militant d’extrême droite lambda en fin de meeting du RN, mais ceux du chef du syndicat Alliance, le premier syndicat policier de France, auprès de Médiapart.
Son nom ? Fabien Vanhemelryck, patron d’Alliance régulièrement invité sur les plateaux télé pour commenter l’actualité et diffuser sa propagande sécuritaire, mais aussi reçu au sein du Ministère de l’Intérieur et des arcanes du pouvoir.
«Le Rassemblement national n’est pas une menace», assure Fabien Vanhemelryck dans une lettre ouverte publiée le 20 juin et adressée à ses collègues policiers. Son but ? Dénoncer les «propos anti-flics» du Front Populaire et alerter ses «46 000 adhérents» sur «la menace qui est de voir l’extrême gauche au pouvoir» et en particulier la France Insoumise «qui veut aller au chaos».
Interrogé par Mediapart, il assume totalement son tract d’extrême droite, et estime que que «les déclarations du président et de son premier ministre d’appeler à faire barrage contre le Rassemblement national sont une énorme connerie». On l’a compris, le rêve de Fabien Vanhemelryck est d’avoir un gouvernement RN, avec qui il partage la plupart des idées.
Fabien Vanhemelryck a déjà de longs états de service en terme d’ignominies impunies. En 2022, une enquête de France 2 révèle que cet homme a personnellement défendu deux policiers de Pau qui avaient tabassé pendant treize minutes un adolescent menotté. Les faits ont eu lieu en octobre 2019 dans la ville du Sud-Ouest. Un mineur de 16 ans est arrêté et emmené au commissariat. Les policiers Lionel D. et Jean-Christophe V. vont se défouler sur l’adolescent : menotté, assis sur un banc, il reçoit des gifles, des coups de poing et des coups de pied répétés, le piétinent, l’insultent, lui crachent dessus, lui écrasent la tête sur le sol. Le jeune homme aura un tympan perforé.
Même les autres policiers témoins de la scène sont choqués : «C’est d’une violence inouïe. [Ils] lui mettent des coups de pied dans la tête, ils veulent prendre l’armoire et lui jeter dessus» explique l’un d’eux. «On était scotchés, ça nous a scié les guibolles» dit un autre. Toute l’agression a été filmée par la caméra-piéton d’un agent. Les policiers sont jugés, condamnés à de la prison avec sursis et radiés de la police.
Dès le lendemain le syndicat Alliance lance une «cagnotte de soutien» pour aider les tortionnaires. Puis Fabien Vanhemelryck s’implique lui-même, en décembre 2021. Auprès du Ministère de l’Intérieur, il exige que les deux tabasseurs d’ado soient réintégrés. Et il obtient gain de cause ! Les mis en cause ont retrouvé leur poste et exercent de nouveau à Pau.
Fabien Vanhemelryck, c’est aussi celui qui hurlait «Le problème de la police, c’est la justice». On se souvient de cette phrase inquiétante dite face à l’Assemblée Nationale, le 19 mai 2020. Ce jour là, Alliance avait organisé une grande démonstration de force factieuse : des milliers de policiers avaient entouré l’Assemblée Nationale et des discours menaçant la justice étaient prononcés.
Le 21 novembre 2020, un producteur de musique noir, Michel Zecler, est suivi par des policiers et tabassé dans son propre studio. Une agression caractérisée, en réunion, avec un mobile ouvertement raciste. Les policiers vont même jeter une grenade lacrymogène à l’intérieur du lieu clos, risquant d’asphyxier les personnes présentes, puis braquer les occupants avec des armes à feu. La victime en sort gravement blessée. Et il y aurait pu y avoir des morts. Alliance, dirigée par Fabien Vanhemelryck, se précipite pour soutenir les agresseurs. À l’époque, le syndicat va jusqu’à dénoncer le «déchaînement» dont seraient victimes les policiers. Et sa page Facebook diffuse une cagnotte de soutien pour les policiers, récoltant des milliers d’euros.
Alliance est aussi une mafia interne à la police, qui fait peur à tout le monde. Le Canard Enchaîné rappelait une série d’opérations hallucinantes dans son numéro du 21 juin 2022. Selon le journal, un «grand chef» du syndicat avait été arrêté au volant en état d’ébriété, et Alliance aurait passé des coups de téléphone et envoyé ses militants mettre un coup de pression au commissariat où était embarqué le chauffard, qui a été relâché sans poursuite. Dans le même registre, une policière de Seine-Saint-Denis a couvert son mari qui a commis des vols et entreposé ses larcins dans leur appartement – on appelle cela de la complicité et du recel en langage flic : Alliance a mis la pression pour qu’elle soit réintégrée. Avec succès. Pour un policier encarté à Alliance, c’est la certitude de l’impunité grâce à la protection du syndicat.
L’été dernier, en juin 2023, Alliance lançait une menace à peine voilée de coup d’État fasciste, trois jours après l’exécution de Nahel. Dans un communiqué, les syndicats policiers Alliance et l’UNSA réclamaient ouvertement les pleins pouvoirs, le permis de tuer, et menaçaient le gouvernement. On y trouvait ces mots effrayants, venant d’agents armés : «L’heure est au combat de ces nuisibles», «Aujourd’hui les policiers sont au combat car nous sommes en guerre. Demain nous serons en résistance», «Face aux hordes sauvages, demander le calme ne suffit plus, il faut l’imposer» ou encore : «Mettre hors d’état de nuire»
Fabien Vanhemelryck n’est pas un illuminé. Il connaît personnellement Darmanin, et son syndicat représente 44,35% du corps d’encadrement et d’application de la Police Nationale française. C’est un homme puissant et très proche du pouvoir. C’est Alliance qui valide les ministres de l’Intérieur et gère les carrières dans la police. C’est aussi Alliance qui squatte quotidiennement les plateaux télés pour répandre des mensonges et orienter les sujets d’actualité. La République française est donc co-dirigée depuis des années par un syndicat policier d’extrême droite.