Maison de Mélenchon saccagée : le dernier épisode d’une longue série


C’est une petite maison, au bord d’une forêt du Loiret, que le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon dit avoir achetée et retapée «il y a 26 ans». Le 16 décembre, elle a été repérée et saccagée par des militants d’extrême droite. Dans la bâtisse, des graffitis de croix gammée, un autre indiquant «on ta trouver» (sic), «vive Marine» ou «nique les arabe» (sic).


La maison de Mélenchon et les tags racistes qu'on peut y trouver.

Qu’on apprécie ou pas la France Insoumise, elle est ciblée parce qu’elle représente le seul mouvement politique de premier plan qui tient bon sur la question de la Palestine et la dénonciation de l’islamophobie, alors que tout l’échiquier politique s’aligne sur l’extrême droite.

Depuis des mois, tout un récit médiatique répète que la France Insoumise serait le parti «des musulmans», que le mouvement défendrait la Palestine pour viser le vote «communautaire» des «banlieues» – un argument raciste en plus d’être faux –, Mélenchon est caricaturé dans la presse avec un turban ou un logo du Hamas, le terme «islamo-gauchiste» est systématiquement utilisé à son égard pour le discréditer…

Désormais, pour l’extrême droite, attaquer la France Insoumise, c’est s’en prendre à la communauté maghrébine, et inversement, comme le démontrent les tags retrouvés dans la maison vandalisée. Cet acte est le résultat d’une campagne de diabolisation bien plus vaste, méthodique et organisée.

Depuis le 16 décembre les éditocrates, qui poussaient des hurlements d’épouvante lorsque des manifestant-es pour les retraites collaient des affiches sur les permanences En Marche ou poursuivaient les députés avec des casseroles, sont beaucoup moins loquaces concernant cette attaque. Souvenez-vous, pendant le mouvement social de 2023, on entendait parler d’agressions «anti-républicaines» très graves et que toute la classe politique devait vivement condamner. Pas en ce qui concerne la France Insoumise.

Suite à l’attaque de sa maison secondaire, Jean-Luc Mélenchon rappelle que son mouvement reçoit des «tracts anonymes, messages téléphoniques» et subit des «agressions» depuis des mois. Il ajoute : «Depuis un an nous avons tous le sentiment de n’être protégés ni par la justice, ni par la police» et termine : «Je sais que cela finira mal car notre diabolisation est faite pour cela».

En effet, il ne s’agit que du dernier épisode d’une longue liste. Le 21 juillet 2023 à Rochesson, dans les Vosges, la maison où vit un membre de la France Insoumise a été incendiée, après des années d’intimidations de la part de l’extrême-droite.

La victime se nomme Willy, et militait au sein de La France Insoumise avec sa conjointe aujourd’hui défunte. Celle-ci avait créé une antenne locale de la FI. Le couple retrouvait notamment des pieds de porc déposés sur son palier, sa voiture vandalisée, des pneus crevés… Ils ont déposé plusieurs mains courantes, «mais la police refuse de prendre sa plainte» expliquait la victime. En juillet 2023 donc, Willy a failli brûler vif parce qu’il milite dans un mouvement politique de gauche, dans une indifférence médiatique notable.

Ce mode opératoire rappelait celui utilisé à Saint-Brévin, près de Nantes, le 22 mars 2023. À l’époque, des néo-nazis avaient tenté de tuer Yannick Morez, le maire de la commune, en incendiant sa maison en pleine nuit. Menacé depuis des mois par l’extrême droite, le maire avait alerté les autorités pour être protégé, en vain. Pire, quelques semaines après l’incendie, des néo-nazis avaient même été autorisés à manifester devant la mairie de Saint-Brévin, sous protection policière. Le 10 mai, épuisé, le maire annonçait sa démission et son déménagement de la commune.

Revenons aux attaques qui visent les Insoumis. Le 23 septembre 2023, René Révol, le maire insoumis de la commune de Grabels, près de Montpellier, était agressé physiquement par l’extrême droite. C’était après une manifestation contre le racisme et les violences policières. Il avait été repéré, suivi et frappé devant chez lui par deux fascistes. Les individus avaient plaqué l’homme de 75 ans contre un mur et l’avaient menacé : « Tu es un ami des Arabes, tu perds rien pour attendre”. Déjà au mois d’août de la même année, le maire avait été victime d’un déchaînement après avoir critiqué Robert Ménard, élu d’extrême droite à Béziers.

En juin 2021, le youtubeur d’extrême droite Papacito avait diffusé la vidéo d’une exécution d’un «gauchiste de la France Insoumise» en tirant au fusil sur un mannequin portant des symboles de gauche, avant de lui planter des coups de couteau. Cette vidéo d’appel au meurtre politique avait été vue des centaines de milliers de fois.

Papacito pose notamment, dans ses vidéos, avec le symbole de la phalange franquiste – rappelons que le coup d’État d’extrême droite en Espagne a tué des centaines de milliers de personnes – et avait également évoqué un attentat à la voiture bélier sur une «manifestation de gauchistes», avec 200 mannequins. Un mode opératoire terroriste, mis en scène sur un ton sarcastique.

La France Insoumise avait déposé plainte pour «provocation au meurtre». En septembre 2022, le recours était classé sans suite. «C’est assez déconcertant» s’étonnait l’un des avocats de Mélenchon. «On a reçu un document qui fait en tout et pour tout une demi page, nous indiquant que le délit n’est pas caractérisé» expliquait une autre avocate. Il est donc autorisé de parader avec des armes de guerre et d’appeler à tuer des militant-es de gauche sur internet.

En 2019, la maison du conseiller municipal insoumis Mathieu Hillaire était incendiée pour la deuxième fois à Étampes, dans l’Essonne. Un feu de voiture s’était propagé à son domicile alors qu’il était en réunion politique pour préparer les municipales. Sa femme et ses deux enfants de 4 et 7 ans dormaient à l’étage, et ont heureusement été sauvés.

En 2018, une cellule nazie baptisé Waffencraft – «puissance de feu» en allemand – était démantelée. Le groupe, dirigé par un gendarme, se revendiquait du «White jihad» et d’un «nationalisme plus violent que celui d’Hitler». Le chef avait passé 6 mois dans l’armée de terre en 2015, puis avait rejoint la gendarmerie de l’air en 2016. Les publications Facebook racistes, homophobes, islamophobes du militaire n’avaient pas inquiété sa hiérarchie, qui avait renouvelé son contrat.

C’est par le biais de forums néo-nazis que cet homme avait constitué un groupe avec lequel mener ses projets terroristes, détaillé dans un manifeste intitulé «Reconquista Europa – opération croisée – communiqué de guerre». Les cibles étaient précises et les attaques préméditées : différentes mosquées, des meetings de Jean-Luc Mélenchon ou encore le concert de Médine au Bataclan, ainsi que des personnalités juives. Le rappeur et le candidat de la France Insoumise n’ont jamais été prévenus de ces projets, pourtant très aboutis, et les avaient découverts dans la presse.

Plus récemment, le 12 octobre dernier à Nantes, c’est Florian Le Teuff, adjoint de centre-gauche à la mairie de Nantes qui était agressé par des néo-nazis lors d’une manifestation bretonne.

Les campagnes médiatiques contre la gauche, même la plus modérée – qui est désormais qualifiée «d’extrême» ou «d’ultra-gauche» et d’ennemie de la République, alors que la FI est un parti qui aurait été classé comme étant social-démocrate dans les années 1970 – combinée à l’impunité de l’extrême droite et à la montée en puissance des actes racistes, ne peuvent qu’alimenter un cycle de violence.

Faudra-t-il attendre l’homicide de responsables politique par l’extrême droite, comme Jaurès ou Marx Dormoy jadis ? Face au retour des heures sombres, il devient urgent d’organiser l’autodéfense, comme le faisaient toutes les organisations socialistes, communistes et libertaires du siècle dernier.

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2 réflexions au sujet de « Maison de Mélenchon saccagée : le dernier épisode d’une longue série »

  1. J’en discutais avec un réfugié juste après les éléctions Européennes , il m’a dit : « j’ai fui Svoboda et le Pravi Sektor pour retrouver les mêmes avec 10 ans de moins à Paris »….

  2. Voilà le cadeau de la bourgeoisie Française… Des Hordes de fachistes qui traînent partout dans les territoires. Les villes sont toutes équipés de caméras de surveillances incapables de repérer des bandes de fafs qui rentrent bourrés dans les bars (surtout les vendredis soir) et qui viennent semer la merde. Celleux qui font partie des collectifs locaux anti racistes, anti facsistes, ect, connaissent les problèmes et la montée de la violence dans les villes, dans les rues, dans les stades de foot ect. Aujourd’hui les bourgeois font monter la violence à un tel niveau, que la vie de l’un d’entre eux peut être menacée parce qu’il défend des valeurs sociales et que cette bourgeoisie fachoterroriste française est en train de poser le cul du peuple sur de la poudre explosive.

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